Milly Vodović (2018)

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  • Autrice : Nastasia Rugani
  • Illustratrice : Jeanne Macaigne
  • Éditeur : éditions MeMo
  • Collection : Grande Polynie
  • Pages : 224
  • Public visé : 13 ans et plus
  • Thème : adolescence, amitiés, enfance,  masculinité-féminitémort, deuil, écriture, racisme, imaginaire

Présentation par l’éditeur : Aujourd’hui, Milly a eu envie de mordre jusqu’au sang. Swan Cooper tirait des balles de revolver à deux pas de son frère Almaz, couché dans la boue. Alors Milly a foncé pour sauver son grand frère. Dans un élan bestial, elle a cassé le bras et le nez de Swan Cooper. Depuis, Almaz, vexé, ne lui parle plus, mais qu’importe. Milly Vodović peut tout faire désormais. Pourtant, des phénomènes étranges se produisent autour d’elle. Alors que la ville se recouvre de coccinelles, le Mange-cœurs approche. Mais Milly se répète que les monstres n’existent pas. L’histoire, elle, ne l’entend pas de la même manière.

Rhapsody in Red

« Non, personne n’égale Milk. […] Cette fille est assurément une hallucination. Même son visage cuivré, sous la lune rose, rappelle les souterrains ornés de joyaux, où se déroulaient les contes de son enfance. Toutes ces créatures célestes et ces monstres d’outre-tombe, dans ses yeux à elle. »

Quelques pensées autour de cette lecture

MILLY VODOVIĆ. Quels mystères, quelles révélations nous guettent derrière cette splendide couverture créée par Jeanne Macaigne ?..  Il suffit de faire un premier pas pour découvrir l’invisible et entendre les voix inaudibles. Avec le nouveau roman de Nastasia Rugani, la collection Grande Polynie aux éditions MéMo démarre en toute beauté, invitant ses lectrices/lecteurs dans « une zone littéraire libre de glace » où se bousculent la vie et l’imaginaire. Un grand roman de la rentrée littéraire, digne des meilleurs classiques de la littérature pour adolescents.

 « Parce qu’il est nécessaire de se confronter au réel »

Comment parler de MILLY VODOVIĆ sans se blesser ?

Impossible.

Impossible d’éviter la sueur froide de la terreur et la puanteur de l’humiliation ressenties par Almaz au moment où Swan Cooper joue avec sa vie.

Impossible de manquer l’impact violent du corps de Milly, 12 ans, lorsqu’elle se lance dans en élan forcené pour protéger son grand frère.

Impossible de rester indifférent à cette rage incandescente qui la consomme, à cette révolte brûlante contre les injustices, à cette douleur stridente qui l’habite depuis la disparition d’Almaz.

Impossible de ne pas s’écrouler devant la souffrance muette, camouflée, infinie de la famille Vodović face à leur tragédie.

Elle fait mal, MILLY VODOVIĆ

            Par ses coquelicots écarlates qui éparpillent les souvenirs de la guerre en Ex-Yougoslavie, les vestiges affreux qui ne s’éteignent jamais.

            Par ses serpents de feu et de haine nourris dans les cœurs des habitants de Birdtown, les incitant aux pires manifestations du racisme.

            Par ses coccinelles qui apparaissent par milliers pour cueillir les vies trop jeunes, bourgeons timides d’espoirs éphémères.

            Par ses ronces qui ne laissent pas de répit à ceux qui restent, les rendant incapables de pleurer leurs morts.

Car « parfois, la vie est incroyablement triste. »

« Milly n’a aucunement l’intention de calculer car elle refuse de songer à l’âge de son frère. Cela la forcerait à entrevoir le jour où elle sera grande, un de ces jours absurdes où elle sera plus âgée qu’Almaz. Ce moment où il sera plus confortable de mentir que de révéler la mort de son frère. « Plutôt se faire arracher la langue que de devenir fille unique », marmonne-t-elle, montrant les crocs à cette Milly adulte. »

Rester enfant à jamais

Mais MILLY VODOVIĆ nous force aussi à vivre. Pleinement. Avec les yeux ouverts, tous les sens en alerte. Comme Milly, ce « petit phénomène » dans des « petites baskets crasseuses », cette « hallucination » qui, une fois rencontrée, ne nous quitte plus. Milly, qui renonce à grandir.

              Courir avec Milly dans les champs, les marécages, parmi les arbres et sur les tombeaux

            Ressentir avec Milly une férocité animale, une tendresse puissante, une volonté insubordonnée, un espoir fou, une déchirure fatale

            Se réfugier avec Milly dans la présence réconfortante de la nature, dans le sourire doré de son ami Douglas, dans les souvenirs de son frère terriblement vivant, dans le havre éternel de l’enfance

            Et oser regarder dans les yeux des monstres, de Popeline, de Mange-cœurs…

            Faire face à la vie, moj mali.

            Faire face à la mort.

« Bien sûr, elle sent les mots se blottir contre elle, des syllabes qu’elle voudrait étirer pour s’en faire une couverture. Un abri, loin du Mange-cœurs. Ainsi elle pourrait dire son affection pour Douglas, coudre des mots sur lui, à l’aide d’un fil d’or. Mais Milly a trop mal pour se concentrer sur une phrase jaune et brillante. »

« L’organe d’écriture » de Nastasia Rugani

Ecouter Nastasia Rugani conter MILLY VODOVIĆ avec sa voix singulière, intime, hypnotisante.

Regarder Nastasia Rugani dessiner MILLY VODOVIĆ avec ses mains, ses mots, sa mémoire.

Suivre Nastasia Rugani dans un monde étrangement réel et réellement étrange, quelque part à la lisière d’un rêve qui ne finit pas, à la frontière de la réalité teintée d’onirisme.

Lire Nastasia Rugani.

S’imprégner de la chaleur humaine. Se figer dans la glace de la cruauté.

Se réjouir dans la lumière de l’espoir. Ramper dans les ténèbres de l’âme.

Guérir ses blessures en redevenant enfant. Se faire griffer par les épines de l’adolescence.

Se couvrir d’une promesse qui ne déçoit pas. Se dévêtir des nombreuses couches de l’hypocrisie.

Saigner. Se salir. Se redécouvrir. Se comprendre. Se construire. Se reconnaître. S’ouvrir. Rester soi-même. Vivre.

Lire Nastasia Rugani – c’est partir loin et rester à l’intérieur de soi-même. C’est découvrir une nouvelle dimension, hautement littéraire, humaine et poétique, composée de myriades de miroirs qui nous renvoient des milliers de reflets, tristes, heureux, poignants, choquants… Mais c’est aussi entrevoir le grand pouvoir de l’écrivain à une ampleur insoupçonnée… Percevoir le mystique de la création.

Comment parler de MILLY VODOVIĆ ?

Les pensées s’entrechoquent, les mots se cramponnent à la respiration et meurent avant de sortir étouffés par une émotion forte, omniprésente.

Nastasia Rugani. Une plume magnifiquement vivante, puissante, époustouflante.

Une écriture de virtuose qui laisse sans voix.

Une écriture « du côté de la vie ». Une lecture sans « frontière ni âge ».

Veličanstveno ! 

///Réflexions nourries par les propos de Nastasia Rugani recueillis par Chloé Mary, directrice de la collection Grande Polynie (sur le blog Nouvelles de Polynies) : http://nouvellesdepolynies.blogspot.com/2018/08/autourde-milly-vodovic-rencontre-avec.html

 

AUTRICE :

Petite, Nastasia Rugani aimait les gros romans et les gros insectes. Plus tard, elle a voulu être neurologue, pour effacer les cauchemars avant de découvrir qu’on pouvait vivre avec en les déposant sur le papier. Elle s’est alors dirigée vers des études de lettres à la Sorbonne en nourrissant l’espoir de devenir un jour écrivaine, ce qu’elle est aujourd’hui. (Source : Ricochet)

Site Internet : http://repertoire.la-charte.fr/repertoire/i1852-nastasia-rugani

©éditions MeMo

ILLUSTRATRICE :

Après des études de lettres modernes et les Arts décoratifs de Paris, Jeanne Macaigne dessine pour la presse et l’édition. Dans ses dessins du moment, elle se préoccupe très sérieusement du bien être des animaux, des plantes, des objets et des êtres humains qui nous entourent. (Source : le site de l’éditeur)

Site Internethttp://www.jeannemacaigne.com/

 

©éditions MeMo

 

ÉDITEUR :

Les Editions MeMo furent créées en 1993 par Christine Morault et Yves Mestrallet. D’où le nom MeMo. Ils ont commencé par publier deux livres par an, et en proposent maintenant de 25 à 30 par année. Memo a un visage ouvert: ils aiment la poésie, le jeu, une esthétique spartiate, et prennent des risques! Ils savent aussi accorder leur chance à des nouveaux-venus de talent. Et parfois redonnent vie à quelques classiques. (Source : Ricochet)

Site Internet : https://www.editions-memo.fr/

 

Découvrir la collection Polynies : https://www.editions-memo.fr/collection/polynies/

COUP DE CŒUR

Recommandé pour :

Lecture individuelle étoile_baladenpageétoile_baladenpageétoile_baladenpageétoile_baladenpageétoile_baladenpage

Note : Merci à Chloé Mary et aux éditions MéMo pour cette lecture !

 


2 thoughts on “Milly Vodović (2018)

  1. Pingback: Portrait littéraire #3: Nastasia Rugani | Balad' en page

  2. Pingback: Merci pour vos mots généreux offerts à Milly Vodović ! 🐞 – Nastasia Rugani

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