Une mère à Brooklyn (2017)

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  • Auteure : Ingrid Chabbert
  • Éditeur : Du Mercredi
  • Pages : 114

Quatrième de couverture : Judith a 15 ans. Hantée par le secret qui entoure sa naissance, elle se rebelle contre le monde entier. Comment se construire et aller de l’avant quand on ne connaît que la moitié de son histoire ? Un séjour à New York va bouleverser sa vie et lui apporter les réponses qu’elle n’a jamais eues. Un roman sur la filiation et les secrets de famille.

Pourquoi est-ce que je l’ai aimé ? 

AVANT (Sabine )

1,2, 3, 4 et 5… C’est plus fort qu’elle. Elle se laisse guider, encore et encore, par la magie de la musique, son corps n’écoutant que les chuchotements des notes qui pénètrent tout son être jusqu’à oublier le monde entier. 1,2, 3, 4 et 5… Une force formidable s’empare d’elle pour transformer ses mouvements en une danse divine qui devient sa respiration, son existence. 1,2, 3, 4 et 5… Un désir inattendu la pousse à une intimité irréfléchie avec celui qu’elle a considéré comme son meilleur ami. 1,2, 3, 4 et 5… Tout ce qui compte pour elle pourtant, c’est la danse.

Elle, c’est Sabine. Dévorée par sa passion. Une mère qui n’arrivera pas à assumer son rôle.

« Elle hypnotise, elle happe la lumière comme quand elle est sur scène. Sans le vouloir, elle fait de l’ombre, quiconque à ses côtés est condamné à devenir invisible. »

APRÈS (Judith)

1- Hostilité… Elle ne supporte plus son père, ni sa copine Laure. Chaque conversation malgré leurs efforts se finit inévitablement en cris, en sarcasmes, en déceptions.

2- Colère… Elle n’en peut plus de ces questions qui la tourmentent, de ces réponses évitées avec soin, de ces non-dits qui n’ont jamais traversé les lèvres de son père, de ces plaintes silencieuses qui heurtent le mur de leur incompréhension. Alors, elle crache sa douleur autour d’elle ne se souciant guère de ce que ressent son paternel.

3- Haine… L’incompréhension baignée dans la souffrance fait naître la haine. Elle sent qu’elle s’est prise dans une toile tissée par elle-même mais elle ne voit pas de solution. On lui cache la vérité, elle n’en doute pas. Mais elle se demande pour la millionième fois « Pourquoi ?! » L’absence de réponse fait voler en éclats sa paix intérieure et tout ce qui restait de paix dans la maison.

4- Souffrance… Il y en a à remplir des océans entiers, à couvrir plusieurs galaxies, à assourdir des milliers d’oreilles. Cette souffrance qui empêche d’avancer, de voir, d’entendre, de respirer. Heureusement qu’il y a Alia, sa seule amie, qui réussit encore à illuminer sa vie. Sinon, c’est un enfer de doutes et d’incertitudes qui griffent aveuglément son cœur.

Et 5Solitude… ça fait mal. Et pourtant, elle a toujours été là la solitude, malgré toute la douceur de l’enfance partagée avec son papa. Mais c’est maintenant qu’elle commence à saigner. Se voir rejetée la douzième fois dans la vie, c’est trop. Cependant, elle prend le billet pour New-York tendu par son père comme un ultime recours pour réparer les dégâts dans leur relation. Ils ont tous les deux « besoin d’espace ». Besoin de liberté ?.. Elle part demain. Aujourd’hui, elle va dessiner encore sa mère avec des orbites sans yeux.

Elle, c’est Judith, 15 ans. Dévorée par son chagrin. La fille d’une mère qui ne la voulait pas.

« Ce regard-là manque à sa vie tout entière. Ces yeux qui ne se posent par sur elle, jamais. C’est comme se construire à cloche-pied. Il manque un pilier. Mais plus que tout, il manque des réponses. […] Rien n’a de sens. Y a toujours un avant à l’après. Comme il y a eu un avant elle et un après cette mère fantôme. »

Deux femmes, deux générations, deux destins, deux continents. Qui auraient pu être très proches si la passion professionnelle de l’une ne l’emportait sur le besoin d’amour de l’autre. Qui ne seront jamais très proches car il y a des déchirures qui ne se réparent pas.

« Aucun mot ne consent à venir. Il est bien trop tard. Ou bien trop tôt. »

Ingrid Chabbert ouvre une porte cachée entre le passé de Sabine et le présent de Judith, en nous invitant à entrer doucement dans l’univers extrêmement délicat de la jeune adolescente. Prisonnière d’une souffrance insupportable, elle se débat contre le poids de secrets familiaux qui risquent de l’écraser sans pitié. Dégoûtée par la réticence de son père, épuisée par des interrogations muettes, affligée par des mensonges inutiles, déboussolée par l’absence de repères, elle essaie tant bien que mal de construire sa vie sur les sables mouvants de son passé. En se rapprochant de sa protagoniste avec infiniment de subtilité et de respect, l’auteure a réussi à rendre ses ressentiments et ses expériences profondément authentiques. D’une plume bien maîtrisée, riche et percutante, Ingrid Chabbert raconte non seulement l’histoire haletante de Judith en pleine recherche de réponses, mais elle amène aussi, avec beaucoup de justesse, la réalité de nombreux/nombreuses adolescent(e)s à la croisée de l’enfance et du monde adulte qui tentent de trouver leur chemin parmi le chaos de leur vie, parmi leurs peurs et leurs doutes. Avec de nombreux clins d’œil à « L’Attrape-cœurs » de J. D. Salinger, avec son langage vivant dans différents registres, avec ses dialogues spontanés et son rythme con spirito, ce roman se lit d’un trait pour se terminer sur une note douce-amère qui résonne encore longtemps dans notre cœur. Dans nos pensées aussi.

Une lecture poignante qui ouvre l’esprit et plusieurs voies de réflexion. Un roman essentiel sur les tourments de l’adolescence et l’importance de la sincérité dans les relations familiales. On en redemande ! Une belle réussite pour ce premier roman ado d’Ingrid Chabbert.

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Note : chronique réalisée dans le cadre d’un service de presse.


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