Rencontre avec Florent Grandin, Éditions Père Fouettard

Posted on

Connaissez-vous Le Père Fouettard, cette maison d’édition très sympathique, pas comme les autres, qui publie « des livres pour tous les sales gosses » ?.. Pendant le Salon du livre de Montreuil en décembre dernier, j’ai eu l’occasion de parler avec Florent Grandin, son co-fondateur et coéditeur , et je vous invite aujourd’hui à suivre notre conversation.

Bonjour, pourriez-vous partager avec nous l’histoire de la création de votre maison d’édition ? Comment expliquez-vous son nom ?

Le Père Fouettard est un personnage traditionnel présent dans l’Est de la France ainsi qu’en Belgique, mais tous les Français le connaissent. C’est un personnage négatif qui fait très peur aux enfants parce qu’il les punit quand ils font des bêtises, il les fouette. Il est souvent attaché au personnage de Saint Nicolas, positif car il récompense les enfants gentils et sages. En tant qu’éditeur jeunesse, nous avons une tendresse pour les enfants turbulents ainsi que pour les histoires pas sages et turbulentes. Il est assez courant que les enfants adorent les méchants parce que ce sont souvent des personnages avec plus de reliefs. Alors, nous avons décidé de choisir le nom du Père Fouettard. Comme le second degré peut échapper, nous avions ajouté une petite phrase dans notre communication pour les rassurer : « Le père Fouettard n’est pas méchant, il est éditeur ! »

La maison a été créée en mai 2014, principalement  par deux associés. Nous sommes passionnés de littérature jeunesse depuis très longtemps, surtout du livre illustré pour la jeunesse. Depuis le début, nous observons des projets français et étrangers qui ne sont pas publiés en France. A force de voir ces projets laissés de côté par les éditeurs français, nous avons conclu que c’était une occasion, et même notre devoir de les faire découvrir par les lecteurs francophones.

Comment reconnaît-on vos livres parmi les autres sur le marché du livre jeunesse ?

Tout l’enjeu, c’est de ne pas être conventionnel sans tomber dans l’élitisme, trouver des auteurs avec un style, une identité, sans être hermétiques. Des histoires qui plaisent à la fois aux enfants et aux parents qui les accompagnent. Des histoires et des illustrations exigeantes mais qui ne tombent jamais non plus dans le confidentiel ou dans l’expérimental. Quand on arrive à faire un livre où l’enfant s’accroche tout de suite à la couverture et aux illustrations et quand les parents peuvent le lire dix fois à l’enfant sans se lasser en rigolant, en s’amusant avec lui – je trouve que c’est parfait. Il n’y a rien de plus triste qu’un parent lisant à son enfant un album qu’il trouve ennuyeux ou pénible.

Quels sont les ingrédients pour créer un livre idéal pour enfants ?

A mon avis, il faut qu’il y ait plusieurs niveaux de lecture dans un album. Par exemple, nous avons dans notre catalogue l’album humoristique Entre chien et poulpe (Lauréat du 28e prix des Incorruptibles.) qui correspond bien à ce critère.

Votre album De rêves et d’eau est un album particulier qui, dans toute sa beauté transparente et mélancolique, traite d’un sujet grave, celui du réchauffement climatique et de ses conséquences pour la Terre. Pouvez-vous nous en parler un peu ?

Cet album est un peu à part dans notre catalogue parce que nous essayons d’abord de faire des histoires qui sont drôles et qui font rire. Celui-là est sérieux car il aborde le réchauffement climatique, même si c’est d’une manière indirecte. Cela reste avant tout une fiction, mais on comprend que le monde a été inondé à cause du réchauffement de la Terre, et les eaux sont montées pour couvrir sa surface. Il y a une petite fille qui vit dans une maison sur pilotis au milieu de l’eau. Un jour, elle plonge dans la mer et découvre la beauté du monde d’autrefois… Cette histoire peut être comprise à plusieurs niveaux. Car, même si un enfant de 3 ans, par exemple, n’a pas encore de notions d’écologie, il peut comprendre l’histoire. En plus, les illustrations sont très belles, elles reflètent l’ambiance de l’album à la perfection et facilitent la compréhension du texte.

Combien d’albums avez-vous dans votre catalogue ? Est-ce qu’il y en a un que vous préférez aux autres ?

Nous avons actuellement vingt-trois titres au catalogue. Je n’ai pas de titre préféré. Quand nous recevons les livres de l’imprimerie, il y a toujours une émotion. Et même parfois une petit crainte concernant ce nouveau livre : est-ce que tout va se bien passer comme prévu ? C’est vrai que chaque album est une naissance, et nous les aimons tous. Je trouve que le drame c’est de commencer à publier de nouveaux titres juste pour remplir des cases dans un catalogue dans le but d’avoir une production énorme.

Pourriez-vous présenter vos dernières parutions aux lectrices/lecteurs de Balad’en page?

En septembre 2017, nous publions une nouvelle traduction de Rocio Bonilla, La Montagne de livres. En octobre, c’est un nouveau Laurent Cardon avec un album dont vous êtes le héros Rick Pou et les poux migrateurs. En novembre, un recto-verso dans la collection  »Grain de sable » intitulé Dans ma montagne : d’un côté le point de vue d’un éleveur de moutons, de l’autre celle d’un loup. Le scénariste a été berger lui-même et l’illustrateur est Jérôme Peyrat.

Quel est le message que vous voulez transmettre par vos livres ?

Nous ne voulons pas forcément transmettre un message aux enfants, mais éviter les fictions à la pédagogie de comptoir. Les petits et grands lecteurs trouveront des valeurs et du sens eux-mêmes sans avoir à leur mettre le nez dessus. Nous voulons d’abord les divertir. Nous publions la fiction qui est appelée à les amuser, à les émerveiller. C’est l’objectif principal. Si nous pouvons, grâce à nos livres, casser quelques stéréotypes au passage, c’est formidable. Comme, par exemple, dans notre album Malvina où il s’agit des clichés du genre. Il en va de même pour le titre De rêves et d’eau. Nous l’avons publié parce que ses dessins nous ont touchés. Nous avons pu également y passer un petit message écologique, ce qui est très bien.

J’ai remarqué que vos auteurs et illustrateurs viennent de différents horizons géographiques. Est-ce une des caractéristiques de votre ligne éditoriale ?

Oui, nous publions les auteurs et les illustrateurs français ainsi qu’étrangers. Il y a certains auteurs étrangers avec qui nous travaillons en direct comme, par exemple, André Neves, l’auteur de Malvina qui est brésilien. C’est très enrichissant de collaborer avec des auteurs/illustrateurs issus de différentes cultures. En effet, c’est aussi ce que nous avons voulu au départ. L’idée est de faire rencontrer des artistes français et étrangers. A terme, nous allons le développer.

Quel genre de retours recevez-vous à propos de vos livres ?

Nous avons eu des retours très positifs sur tous les albums que nous avons faits. Il n’y a, peut-être, que De rêves et d’eau qui a suscité quelque fois les reproches d’être trop triste. Alors, qu’il n’est pas triste du tout puisqu’il se finit bien. Certaines personnes craignent probablement les histoires tristes, et c’est dommage. Cette réticence est contemporaine et culturelle, c’était beaucoup moins le cas dans nos contes traditionnels ou encore aujourd’hui dans des pays comme le Japon. Il n’y a pas de mal à raconter aux enfants une histoire triste de temps en temps. Sinon, tous les retours sont enthousiastes aussi bien au niveau des illustrations que des thèmes qui sont portés. Nous aimons aller dans les écoles et intervenir auprès des enfants. Lors de ces ateliers, nous voyons les enfants s’approprier vite nos livres. Je pense que c’est aussi très important pour l’éditeur de rester en contact avec les enfants. A force de ne parler qu’entre adultes de tout ce qu’il faut pour les enfants, on finit par les oublier. Et puis, c’est formidable de constater toutes ces réactions de la part des enfants à chaque page ! C’est une grande récompense pour notre travail.

Qu’est-ce que c’est un livre pour vous personnellement ?

Pour moi, un livre reste le meilleur moyen de s’évader, de se divertir. C’est le meilleur loisir possible. Personnellement, je lis toutes sortes de livres, je n’ai pas de genre de prédilection. J’aime les livres pour les adultes ainsi que les livres jeunesse.

Quels sont vos projets pour l’année prochaine ?

Jérôme Peyrat et Adèle Tariel s’associent pour deux formidables albums Carnivore (il sort au printemps), où l’on suit l’enquête d’un grillon, et Cargo, avec des planches d’une beauté et d’une couleur incroyables, qui devrait paraître en novembre. Graphiquement, j’ai été transporté par Loupiotte illustré par Camille Tisserand et porté avec justesse par Catherine Latteux. Il sera en librairie aussi en fin d’année. Anne Mahler travaille un ouvrage atypique sur l’image de soi chez l’enfant.  Pour rester fidèle à l’esprit Père Fouettard, on aura aussi un album espiègle : Les gros mots du petit oiseau.

Je suis ravie de découvrir votre maison d’édition et je peux confirmer maintenant qu’en effet, il n’est pas du tout méchant, ce Père Fouettard :) Un grand merci pour cette interview très enrichissante, belle rentrée à vous et bon vent pour tous vos beaux projets !

Décembre 2015, SLPJ de Montreuil, France (mise à jour : septembre 2017)

Le site de l’éditeurhttp://www.perefouettard.fr/editions/index.php?id=7


Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *