Rencontre avec Sylvie Rancourt (février 2015)

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Le 13 février 2015, lors du Salon du Livre Jeunesse de Longueuil, j’ai eu l’occasion de rencontrer Sylvie Rancourt, épouse de Pierre Chartray. Pierre était un auteur, mais surtout une personne d’un grand humanisme et d’une grande bonté. Il nous a quittés le 14 juin 2014. Ensemble, ils ont fondé les Editions Trampoline et coécrit sept livres jeunesse.

Je n’ai jamais eu l’occasion de parler à Pierre, je suis donc heureuse de vous rencontrer ! Quel genre d’auteur était-il ?

Quand j’ai vu Pierre dans les Salons discuter avec les auteurs, les éditeurs, et tout le monde de l’édition, j’ai découvert un autre homme, sûr de lui, sûr de ses idées, ce qu’il n’était pas dans son métier d’origine. Il était informaticien, il avait toujours l’impression qu’il n’en faisait pas assez, qu’il n’était pas assez bon. Mais en littérature, par contre, il n’avait aucun complexe d’infériorité. Il était capable de se juger à sa juste valeur, et j’ai découvert qu’il était très apprécié.

Peut-être que c’est parce qu’il était passionné par ce qu’il faisait ?

Probablement, oui. C’est lui qui écrivait, qui avait les idées, qui bâtissait les histoires, et moi,  j’aidais, on peaufinait ensemble. On a commencé à écrire deux histoires de Noël. Mais on ne réussissait à se faire publier nulle part. Comme on considérait que l’on avait de bonnes histoires, on a décidé de fonder notre propre maison d’édition.

C’est comme ça qu’a commencé la maison d’édition Trampoline ?

C’est comme ça que ça a commencé. On a publié nos deux livres, puis on a ouvert un site internet. Rapidement, on a commencé à recevoir plein de manuscrits. Là, on s’est fait prendre au jeu, et on a éventuellement publié d’autres auteurs. Pour Pierre, c’était très important de donner la chance à de nouveaux auteurs et illustrateurs, qui ne réussissaient pas à se faire publier ailleurs. On est partis de rien, mais on a appris beaucoup de choses. C’est Pierre qui s’occupait de tout. En cinq ans, il avait accumulé un bagage suffisant pour être sur un pied d’égalité avec les autres éditeurs, pour faire valoir ses idées et ses arguments.

Et pourquoi avoir choisi d’aborder des thèmes difficiles ?

Je ne sais pas ce qui l’a amené là. Le premier livre qu’on a écrit sur le deuil, c’est Simon et le chasseur de dragons (2008), qui a peut-être été influencé par un couple de voisins qui ont perdu leur fils de 14 ans, atteint de fibrose kystique. Ça a probablement donné l’idée à Pierre de dédramatiser la maladie et la mort, et de les présenter aux enfants. On a proposé ce livre à beaucoup d’éditeurs, mais tous nous disaient : « Vous ne serez jamais publiés. On ne parle pas de la mort aux enfants ».

C’est pourtant important d’en parler…

Oui, il faut l’expliquer aux enfants. Autrefois, les familles vivaient plusieurs générations dans la même maison. Les jeunes étaient en contact avec leurs grands-parents et les voyaient partir. Aujourd’hui c’est un sujet aseptisé : les vieilles personnes vont dans des résidences, ou à l’hôpital pour mourir. Les enfants ne comprennent pas. Leurs grands-parents sont là, et tout d’un coup, ils ne sont plus là.

Finalement, ce livre a été publié !

Quelqu’un nous avait conseillé les éditions du CHU Ste-Justine. Quand ils l’ont reçu, ils ont tout de suite été intéressés. C’était seulement leur deuxième album. A l’hôpital, ils étaient contents, car ils pouvaient se servir de ce livre pour les jeunes. Ce livre n’est pas morbide, pas noir, c’est la vision du petit garçon qui voit son frère malade, mais qui ne comprend pas exactement la situation.

Dans Le petit chevalier aux jambes molles (2013), la maladie est traitée avec tellement de simplicité et de poésie que j’aimerais le lire avec ma fille de quatre ans.

Pierre avait le don de faire des histoires à deux niveaux, toujours avec un message en arrière. Il n’était pas pour « raconter des histoires aux enfants » dans le sens de ne pas leur dire la vérité. Il y a toujours une façon de dire les choses d’une manière adaptée à l’âge de l’enfant. Ça lui tenait à cœur, et c’est peut-être pour ça qu’il s’est dirigé vers ces sujets-là, parce qu’il trouvait que ce n’était pas assez abordé.

Et ça en vaut la peine. Que ce soit pour les jeunes ou pour leurs familles. Il y a aussi peu d’auteurs qui parlent comme vous l’avez fait dans Le calepin picoté avec un canard dessus (2013), du lien entre générations et de l’importance du souvenir

Oui, mais ce livre est là aussi pour parler de l’alphabétisation. On ne le sait pas, mais il y a des gens autour de nous qui sont analphabètes. On l’a appris avec Jacques Demers, qui est une personnalité publique. Dans notre génération, c’est devenu rare, mais chez certains de nos grands-parents, c’est une réalité. Parfois les jeunes ont des difficultés à l’école. Mais si on leur montre qu’il y en a eu d’autres avant eux, ou même aujourd’hui qui rencontrent des problèmes similaires, ça peut leur ouvrir de nouveaux horizons.

Les illustrations sont magnifiques, comment avez-vous choisi l’illustratrice ?

C’est Marion Arbona qui a illustré notre « Simon et le chasseur de dragons ». A l’époque, elle venait juste d’arriver au Québec, on l’avait contactée pour lui proposer de réaliser nos illustrations. Ensuite, l’éditrice des Editions du Phoenix lui a proposé Le calepin picoté avec un canard dessus. Ce n’est pas toujours facile d’illustrer le travail d’un autre, mais Marion a des bonnes idées. J’aime bien le grand-papa qui est tout plein au début, et qui à la fin est tout vide d’avoir transmis ses souvenirs. C’est poétique au niveau des illustrations.

Est-ce que vous avez des idées pour la suite, est-ce que vous continuez à écrire ?

Je ne pense pas. On a encore quelques textes, que je vais peut-être essayer de présenter à différentes maisons d‘édition. Mais après ça, je ne pense pas. Je vais plutôt essayer de promouvoir ce qu’on a déjà pour quelques années encore.

J’espère que  les livres  de Pierre et Sylvie  ainsi que tous les livres édités par Trampoline resteront visibles, et trouveront leur chemin vers le cœur des jeunes lecteurs.

 

 

 

 


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